L’exposition Rosa Bonheur au musée d’Orsay – France

Édouard Louis Dubufe et Rosa Bonheur, Portrait de Rosa Bonheur, 1857
Édouard Louis Dubufe et Rosa Bonheur, Portrait de Rosa Bonheur, 1857 © Photo service de presse. RMN (château de Versailles) – G. Blot

Rosa Bonheur, l’exposition hommage

Article partenaire avec l’Objet d’Art
Par Constance Arhanchiague

Artiste acclamée de son vivant et internationalement reconnue, Rosa Bonheur tomba dans l’oubli après sa mort en 1899. À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, le musée d’Orsay remet à l’honneur la plus grande peintre animalière du XIXe siècle, en présentant au public ses nombreux chefs-d’œuvre. Une exposition événement que l’on attendait depuis longtemps ! En 200 œuvres, parmi lesquelles des tableaux encore jamais montrés en France et des prêts de collectionneurs, le parcours donne à voir au public un large aperçu de la production de Rosa Bonheur, et éclaire le travail d’élaboration d’une œuvre originale.

Une artiste qui renouvela le genre de la peinture animalière

Observant et chérissant les animaux depuis sa plus tendre enfance, Rosa Bonheur disait qu’elle avait « pour les étables un goût plus irrésistible que jamais courtisan pour les antichambres royales et impériales ». À l’encontre de la tradition du grand portrait princier et des sujets historiques et mythologiques alors en vogue, Rosa Bonheur imposa ses peintures animalières et relégua l’humain au second plan, dans une approche novatrice.

Selon Sandra Buratti-Hasan, il est probable qu’elle ait choisi la peinture animalière en étant consciente qu’il y avait là un créneau à prendre. Aurait-elle pu se faire une telle place dans le genre de la peinture d’histoire compte-tenu de la concurrence ? Cette perspicacité n’est pas la moindre marque de son intelligence. Ses sujets champêtres et animaliers offraient alors à sa clientèle bourgeoise une peinture bien plus accessible intellectuellement que la peinture d’histoire, et très séduisante en raison de son enracinement dans des terroirs profonds, opposés à la société urbaine et industrialisée.

Si les sujets animaliers existaient déjà, Rosa Bonheur s’y consacra exclusivement, ce qui n’était pas le cas de ses prédécesseurs, et se tailla ainsi une place privilégiée dans un genre tardivement reconnu.

Le choix du réalisme pour « capturer l’âme »

Deux camps s’opposaient alors dans la représentation de l’animale : d’un côté les romantiques qui livraient des portraits sensibles voire psychologiques, et de l’autre les réalistes qui privilégiaient une représentation descriptive, visant à saisir l’animal de manière neutre selon des codes qui prévalaient dans les pastorales et les scènes de labourage. Loin d’un romantisme lyrique et à bonne distance de la dureté d’un Courbet, Rosa Bonheur développa une œuvre d’un réalisme mesuré, compatible avec ce que fut le goût de la peinture non seulement des institutions artistiques du Second Empire et de la IIIe République, mais aussi de sa riche clientèle européenne et américaine.

Durant toute sa carrière, elle s’est intéressée à l’animal dans son environnement, à rebours du pittoresque ou de l’anecdote, pour entreprendre de traduire le « sentiment vrai de la nature ». Son attention extrême portée au mouvement et aux expressions des bêtes fit dire à Théophile Gautier, s’extasiant devant ses taureaux du Cantal : « quelle vérité et quelle observation parfaite ! ».

Sa volonté de peindre fidèlement les caractères physiques et les attitudes des animaux sans trahir les espèces se nourrit d’apprentissage et de travail. L’exposition en rend bien compte, en associant aux toiles grand format des études préparatoires. Rosa Bonheur multiplia les croquis, études, et ébauches. Elle utilisa même la photographie qu’elle pratiqua un peu elle-même, pour se documenter davantage sur la vie animale.

Considérant que les animaux avaient une âme qui légitimait l’attention qu’on devait leur prêter, Rosa Bonheur individualisa ses sujets dans des œuvres qui s’apparentaient à des portraits, les représentant en gros plan, frontalement ou de profil, comme cette saisissante tête de lion au regard perçant. Elle observait tout particulièrement le regard des bêtes, considérant que « c’est là que se peignent les volontés, les sensations, les êtres auxquels la nature n’a pas donné d’autres moyens d’exprimer leurs pensées ». Elle disait elle-même qu’elle voulait devenir la « Vigée Lebrun des animaux », en référence à la grande portraitiste de Marie-Antoinette, montrant par là son ambition d’imposer ses peintures animalières avec la force du portrait et de dévoiler toute la puissance de l’âme animale.

Rosa Bonheur, El Cid, tête de lion, 1879
Rosa Bonheur, El Cid, tête de lion, 1879 © Photo service de presse. Photographic Archive, Museo Nacional del Prado, Madrid

Féministe avant l’heure

Femme de combats, Rosa Bonheur était une véritable légende en son temps. Avant toute chose elle s’est battue pour pouvoir devenir artiste et vivre de sa peinture dans un contexte où les institutions artistiques étaient dominées par les hommes.

Bataillant pour légitimer ce statut de femme peintre et s’affirmer comme l’égale de ses confrères hommes, elle transgressa les codes de son époque pour vivre farouchement libre dans un siècle encore très corseté, devenant ainsi une figure de l’émancipation des femmes. Elle refusa notamment de se marier et partagea sa vie affective pendant plus de cinquante ans avec son amie d’enfance Nathalie Micas, troqua la robe pour le pantalon, porta les cheveux courts et fuma le cigare…

La ménagerie du château de By

Autre aspect qui contribua à sa légende, elle vécut pendant plus de quarante ans au milieu d’une ménagerie, composée d’animaux domestiques, sauvages et agricoles. En 1860, elle s’installa dans une vaste demeure en lisière de la forêt de Fontainebleau, le château de By, où elle logea une véritable arche de Noé : chiens, moutons, bœufs, chevaux, sangliers, cerfs, et même une gazelle et un couple de lion. Brouillant complètement la frontière entre animaux sauvages et domestiques, elle nomma sa jument « Panthère » et son cerf « Jacques ».

Par l’ampleur de sa ménagerie, elle s’est libérée des contraintes qui pesaient auparavant sur les artistes animaliers. Alors que ses prédécesseurs travaillaient d’après des animaux morts ou en captivité, au Jardin des plantes par exemple, n’instaurant aucun dialogue avec leurs sujets dont la réactivité et le regard étaient éteints, Rosa Bonheur put à l’inverse continuellement les observer et en saisir des attitudes singulières. Elle habitua même les animaux à sa présence, en lisant longuement le journal dans le parc aux cerfs ou nourrissant elle-même ses lions qu’elle avait domestiqués et qui vivaient en dehors de leur cage.

Des commandes de l’État français à la renommée internationale

Après des envois remarqués au Salon qui lui valurent une très bonne réception critique, Rosa Bonheur reçut plusieurs commandes officielles de l’État.

La première, le Labourage nivernais, deviendra l’un de ses chefs-d’œuvre. Dans cette toile monumentale, le lien avec le message républicain qui valorise le travail agricole et la richesse de la terre nourricière est évident. Alors que les bouviers et le laboureur sont dissimulés au second plan, les bœufs, massifs et puissants, apparaissent comme les héros de ce tableau qui glorifie le règne animal. Plus que l’homme, c’est l’animal qui travaille et qui souffre, épuisé par le joug et l’ascension de la colline.

Pour sa deuxième commande officielle, Rosa Bonheur voulut proposer Le Marché aux chevaux, que l’État refusa lui préférant un nouveau sujet rural, mais qu’elle présenta au Salon de 1853. Cette toile suscita un très grand enthousiasme auprès de la critique qui exempta définitivement Rosa Bonheur de soumission de ses envois.

Après avoir remis à l’État La Fenaison en Auvergne dont elle n’était pas satisfaite, Rosa Bonheur choisit de quitter le Salon pour se tourner exclusivement vers le marché de l’art, ce qui lui permit de très bien vivre mais la fit peu à peu sombrer dans l’oubli en France.

Un triomphe à l’étranger

Elle s’associa aux marchands et collectionneurs les plus éminents pour dominer le marché de l’art et conquérir son indépendance financière et morale. Ernest Gambart devint avec les Tedesco l’un des principaux promoteurs de sa peinture à l’étranger. Depuis Londres où il s’était établi, et d’où il valorisait son œuvre animalière, il entreprit de la rendre célèbre outre-Atlantique. Rosa Bonheur connut alors un succès international et compta parmi les artistes les plus convoités et les plus chers de son époque.

Ultime consécration, elle fut décorée par l’impératrice Eugénie elle-même de la légion d’honneur, avec laquelle elle choisit de poser pour la postérité, devenant ainsi la première femme artiste à recevoir une telle distinction. Toute sa vie Rosa Bonheur fut sensible aux honneurs qu’elle reçut au cours de sa carrière et qui furent nombreux. Elle voulait être la meilleure dans son domaine, pour être digne et fière de son statut de femme peintre, destin qu’elle accomplit parfaitement.

Anna Klumpke, Portrait de Rosa Bonheur, 1898.
Anna Klumpke, Portrait de Rosa Bonheur, 1898 © The Metropolitan Museum of Art, dist. RMN / image of the MMA

Pour aller plus loin :

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Le Dossier de l’Art n°299 sur Rosa Bonheur, écrit par l’historien de l’art Bernard Tillier, professeur à l’université Paris I Panthéon.

Nouveauté ! Pour plus d’articles, retrouvez également l’Objet d’Art sur le site : actu-culture.com

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